Un archet en aluminium
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Publié le 22/04/2024
Lorsque j'achète des violons anciens à restaurer, il est assez courant de trouver un ou deux archets en piteux état dans la boite. Souvent de très mauvais archets dans des bois inadéquats, parfois
des archets qui valent la peine d'être remis en état, et puis de temps à autre
une surprise comme cet archet en aluminium de marque Schaller.
A la recherche d'un matériau de synthèse
Les archets sont traditionnellement en bois, le plus réputé étant le pernambouc. Mais du fait de la main d’œuvre nécessaire, du coût des bois de qualité et de l'aspect aléatoire de l'approvisionnement pour de grandes quantités, les archets premier prix en bois sont presque toujours décevants. Les industriels se sont donc tournés vers
les matériaux de synthèse pour chercher une alternative permettant de produire des archets à la qualité constante pour un coût maîtrisé.
On trouve aujourd'hui des archets en
fibre de verre à bas prix mais aux performances très limitées. La vraie réponse est venue avec la
fibre de carbone qui permet de fabriquer industriellement des archets premier prix aussi bien que de très bons archets.
Mais durant ces recherches d'un matériau de synthèse performant, la tentative de fabrication d'archets en métal n'a visiblement pas eu un grand succès. Témoin
cet étonnant archet en aluminium plastifié signé "Schaller". Sous la hausse, le recouvrement en plastique imitation nacre affiche une liste de brevets ("patent" en anglais) pour plusieurs pays : DBP. (Deutsches Bundespatent pour l'Allemagne de l'Ouest), USPat. (pour les États-Unis), Jap.Pat. (pour le Japon), et GreatBr.Pat (pour le Royaume-Uni). On peut d'ailleurs
retrouver en ligne un brevet déposé en Allemagne de l'Ouest en 1975 par
Helmut Schaller décrivant un archet en métal (alliage d’aluminium) recouvert de plastique (polyamide ou polystyrène). La société Schaller avait visiblement des ambitions internationales pour son nouveau modèle d'archet.
Plus en détail
On voit très clairement le
tube en alliage d’aluminium recouvert de plastique au niveau de la mortaise.
L'effort de rationalisation est poursuivi dans le mode de
fixation de la mèche. Du côté de la tête, la cale est en plastique fendu. Une vis à tête tronconique vient l'écarter pour la bloquer dans la mortaise.
Même démarche au niveau de la hausse, la mèche est bloquée par une cale en plastique vissée, et la petite cale logée dans le passant est aussi en plastique.
Aucun doute que ce procédé soit plus rapide pour monter une mèche en usine : pas de cale en bois à ajuster,
tout est standardisé et produit en série. Par contre, j'ai un sérieux doute quand au reméchage de ce genre d'archet. Peut-être un autre coup de main à prendre, mais je n'arrive pas à imaginer que l'on puisse arriver à un résultat aussi précis qu'avec des cales en bois taillées sur mesure.
Quel avenir pour un archet en aluminium ?
Disons le clairement, aucun ! Si l'aluminium avait été un matériau adapté pour la fabrication des archets, il aurait été rapidement adopté comme l'a été la fibre de carbone. De nombreuses tentatives ont été faites tout au long de l'histoire de la lutherie pour améliorer les instruments, certaines totalement fantaisistes, d'autres plutôt rationnelles comme cet archet en aluminium.
Ce sont finalement les musiciens qui sanctionnent ces innovations en les adoptants (ou pas). On voit percer les meilleures tandis que les autres s'éteignent en peu de temps.
La notion de brevet pose aussi problème en lutherie à mon sens.
Le violon est une invention collective, élaborée et affinée par des générations de luthiers et de musiciens. Un patrimoine partagé dont nous profitons tous aujourd'hui sans avoir à verser de royalties à qui que ce soit...